Il aura fallu les méga-feux de cet été, les dernières vagues de chaleur, et l’envolée des prix de l’énergie pour qu’enfin la sobriété, dans la bouche de nos dirigeants, ne soit plus un gros mot ! Avant ces épisodes, tétanisés par le conflit des gilets jaunes dans toutes les mémoires, ils refusaient toute injonction pouvant être interprétée comme une incitation des plus pauvres à se serrer encore la ceinture, message qui évidemment passe mal. Nous avons oublié que lors de la dernière grande crise énergétique, la sobriété a été brandie avec succès et a permis à la France de découpler enfin croissance du PIB et croissance de la consommation énergétique. De la crise pétrolière à aujourd’hui, notre fondateur Michel RAOUST nous rappelle ces jalons essentiels et l’évolution de la sobriété, ainsi que sa traduction concrète dans la conception de bâtiments.

De la sobriété subie à la sobriété choisie : quelques repères historiques 

D’octobre 1973 à mars 1974, le prix du baril de pétrole est quadruplé. La France réagit aussitôt avec une politique forte d’économies d’énergie. L’Agence pour les Economies d’Energie est créée en septembre 1974. Des campagnes nationales de « chasse aux gaspis » sont lancées avec spots TV à l’appui. C’était l’époque du slogan « En France on n’a pas de pétrole mais on a des idées ! ».

De nombreuses lois sont votées et des mesures réglementaires sont prises. Dans le secteur des bâtiments (45% de la consommation d’énergie finale), on peut citer :

    • Actions réglementaires imposant l’isolation thermique (bâtiments neufs et existants) ;
    • Opérations de démonstration subventionnées par l’Etat, surtout dans le parc de logements sociaux ;
    • Campagnes nationales de sensibilisation aux économies d’énergie pour induire des changements de comportement;
    • Incitations fiscales, subventions et prêts bonifiés pour les économies d’énergie ;
    • Soutien à la recherche.

Sur la courbe des économies d’énergie réalisée en France à l’époque, on constate que les mesures prises dans les mois qui ont suivi le choc pétrolier sont très efficaces. En juste un an, les économies d’énergie du secteur Bâtiment représentent près de 10% de la consommation totale du secteur !

Les premières mesures ont consisté à :

    • Limiter à 20°C la température dans les locaux à usage d’habitation, d’enseignement, de bureaux ou recevant du public (cette limite a été baissée à 19°C en 1978) ;
    • Rendre obligatoire le comptage de chaleur et d’eau chaude « quand la technique le permet » dans les immeubles collectifs pourvus d’un chauffage commun ;
    • Promulguer de nouvelles normes d’isolation pour les bâtiments neufs et rendre la régulation obligatoire dans ces bâtiments ;
    • Rendre obligatoire le contrôle de toute installation thermique d’une certaine puissance ;
    • Fixer des rendements minimaux de générateurs thermiques à combustion en fonction de leur puissance et du combustible utilisé.

Il faut souligner qu’entre 1974 et 1979, en France, sur 10 Mtep* économisées par les ménages dans l’habitat, seuls 2 Mtep provenaient de la réglementation thermique de la construction neuve et des investissements en économie d’énergie dans l’habitat existant. 8 Mtep, soit 80% des économies constatées, provenaient des seules économies d’usage ou de comportement, notamment la limitation de la température de chauffage qui est passée de plus de 20°C à 18,5°C en moyenne ! Entre novembre 79 et janvier 80, en raison de la hausse des prix de l’énergie de fin 79, la température moyenne mesurée baissait encore de 1°C !

Ce sont donc bien les changements de comportement qui ont créé l’essentiel des économies d’énergie de l’époque, n’en déplaise à nos gouvernants frileux d’aujourd’hui et à certains experts qui minimisent l’impact de nos comportements !

*tep (définition de l’INSEE) : La tonne d’équivalent pétrole (tep) représente la quantité d’énergie contenue dans une tonne de pétrole brut, soit 41,868 gigajoules. Cette unité est utilisée pour exprimer dans une unité commune la valeur énergétique des diverses sources d’énergie. Selon les conventions internationales, une tonne d’équivalent pétrole équivaut par exemple à 1 616 kg de houille, 1 069 m³ de gaz d’Algérie ou 954 kg d’essence moteur. Pour l’électricité, 1 tep vaut 11,6 MWh (11600 kWh).

Mais où en est-on aujourd’hui ?

Du fait de l’absence de messages clairs et justes, répétés à grande échelle, sur l’impact de nos comportements, c’est en grande partie le laisser-aller qui domine. Dans le secteur tertiaire, des températures de chauffage de l’ordre de 23°C sont très souvent constatées. Les centrales de traitement d’air fonctionnent souvent 24 h/24, même en l’absence d’occupants. Les régulations défectueuses ne sont pas remplacées, faute de budgets conséquents d’exploitation-maintenance. Le désembouage des réseaux de chauffage à eau chaude n’est pas fait, ce qui entraîne des gaspillages allant jusqu’à 15% de surconsommation.

Bien sûr, avec « le décret tertiaire » qui impose 40% d’économies d’énergie finale à l’horizon 2030, on peut supposer que cette situation va changer rapidement mais on a déjà accumulé un retard considérable : l’instabilité géopolitique et le réchauffement climatique ne sont pas des phénomènes nouveaux, et des associations telles que Negawatt ou des administrations comme l’Ademe martèlent le message de la sobriété et des économies d’énergie depuis des décennies !

Et puis, il reste le secteur résidentiel, responsable de 60% des consommations d’énergie du secteur du Bâtiment.

Nous avons montré dans un autre article que passer d’une température de chauffage de 22°C à 19°C dans tous les bâtiments permettrait de baisser de 20% la consommation de chauffage, ce qui baisserait de 5,5% la consommation d’énergie finale en France ! Mais pour qu’une telle température de consigne soit acceptée, il faut se vêtir plus chaudement en hiver à l’intérieur de nos bâtiments.

Dans les quatre scénarios proposés par l’ADEME pour atteindre la neutralité carbone à l’horizon 2050, engagement qu’a pris la France en application de l’Accord de Paris conclu en 2015, les deux premiers font le choix d’une mobilisation importante de la sobriété en changeant la logique de développement socio-économique : une consommation réduite et des modes de vie plus raisonnés qui privilégient les liens sociaux à l’accumulation de biens matériels.

Nous avons cité Négawatt, rappelons que la « démarche Negawatt » consiste à privilégier en premier la sobriété, c’est-à-dire la réduction des besoins énergétiques, puis l’efficacité, c’est-à-dire la satisfaction de ces besoins réduits en consommant le moins possible d’énergie et enfin, quand tous ces efforts ont été accomplis, l’utilisation d’énergie renouvelable non carbonée comme vecteur énergétique.

demarche-negawatt

La « démarche Negawatt »

Des bâtiments plus sobres, quelle traduction opérationnelle concrète ?

Dans le secteur des Bâtiments, la sobriété va se traduire par les actions suivantes :

  • Sobriété programmatique : attribuer les bonnes températures de consigne aux bons espaces selon l’activité qu’ils hébergeront (par exemple : pourquoi chauffer un espace de circulation qui pourrait être maintenu à une température acceptable avec des apports solaires passifs), proposer un nombre de m2 raisonnable en fonction de l’occupation moyenne et du télétravail prévisibles…
  • Sobriété de conception : grâce aux concepts d’architecture bioclimatique, utiliser pleinement les ressources gratuites du soleil, du vent et de la végétation pour concevoir des bâtiments aux besoins énergétiques réduits ; ne pas survitrer les façades ; concevoir des espaces compacts avec un ratio raisonnable entre surface de parois extérieures et surface utile, concevoir des équipements simples, non surdimensionnés et faciles à réguler.
  • Sobriété de réalisation : utiliser des matériaux recyclés, réemployés, à faible contenu carbone, disponibles dans un rayon raisonnable, utiliser des procédés constructifs peu consommateurs d’énergie, etc.
  • Sobriété d’usage : mettre à la disposition des usagers des guides simples à comprendre pour qu’ils utilisent au mieux le bâtiment et ses équipements sans gaspillage inutile, les sensibiliser aux « gestes verts ».

La sobriété dans le Bâtiment passe donc par une multitude d’actions impliquant l’ensemble des parties prenantes. Chacun doit faire sa part du travail : maîtres d’ouvrage, architectes, bureaux d’études, entreprises, usagers. Si nous nous impliquons tous dans la sobriété, le gisement peut être énorme, largement supérieur aux 15% d’économies d’énergie qu’on entend ici et là.

Une entreprise comme TERAO peut vous aider à trouver le bon chemin.

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Polytechnicien (X74) et diplômé de l'Université de Stanford (USA) spécialiste énergie solaire. Expert de rang international en thermique du bâtiment.

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