TERAO fait partie du Hub des Prescripteurs Bas Carbone. Nous vous avons partagé précédemment des synthèses des briefs thématiques « Façades » et « Matériaux biosourcés ».

En 2023 , le Hub a poursuivi sa démarche d’aide à la prescription au travers d’études de cas en rénovation, de manière à comprendre et atteindre au mieux l’optimum coût et carbone de la rénovation sur des projets existants. Ce travail fera l’objet de plusieurs briefs tout au long de son avancement.

Nous vous présentons ici les messages clés issus du Brief n°1 – Rénovation bas carbone « mesurer pour agir, comment mesurer efficacement et de manière pragmatique l’empreinte carbone d’une rénovation ? ».

MESSAGE CLÉ N°1 : Une équation construction neuve / rénovation se dessine

En France, la Stratégie Nationale Bas Carbone (SNBC), vise pour le secteur du bâtiment, une décarbonation complète des phases d’exploitation d’ici 2050.

En France, le secteur du bâtiment est le deuxième secteur le plus émissif de gaz à effet de serre. En 2019, il a été responsable de 25% de l’empreinte carbone du pays. Ces émissions se répartissent entre les émissions liées à l’exploitation des bâtiments (Scope 1 + Scope 2 = 67 % du total), et celles liées aux composants (Score 3 = 33 % restants).

décarbonation du cycle de vie du bâtiment
© Feuille de route de décarbonation du cycle de vie du bâtiment

Pour respecter l’objectif de la SNBC, il est nécessaire de construire du neuf bas-carbone et performant énergétiquement, mais aussi et surtout d’améliorer drastiquement la performance énergétique du parc existant, tout en limitant les émissions liées aux matériaux et équipements mis en œuvre.

MESSAGE CLÉ N°2 : Un budget carbone matériaux dédié à la rénovation s’impose

Pour permettre une visibilité à moyen terme des trajectoires de réduction carbone à respecter, la SNBC fixe des plafonds d’émission nationaux de GES à ne pas dépasser par période de 5 ans (les budgets carbone) cohérents avec la trajectoire visant la neutralité carbone et des budgets carbone annuels indicatifs.

Aujourd’hui, le budget carbone alloué au secteur du bâtiment pour l’exploitation de ceux-ci et pour les matériaux de construction ne distingue pas le secteur du neuf et celui de la rénovation.

Le secteur du neuf est cadré par une Réglementation Environnementale performante et progressive.

Aujourd’hui, les aspects réglementaires liés à la rénovation ne concernent que l’énergie : RT Existant, Décret Tertiaire, Diagnostic de Performance Energétique.

Des labels volontaristes existent (BBC Effinergie Rénovation – version 2024 à venir et BBCA Rénovation) et des méthodes de comptabilité sont en développement (Programme NZC Renovation, Méthode Quartier Energie Carbone, Méthode Rénovation du label Bas Carbone).

En l’état actuel, si on observe bien plus de 700 000 gestes de rénovations en 2022, seuls 66 000 logements ont été rénovés globalement, ce qui est bien en dessous des chiffres estimés nécessaires par la SNBC (ou par la synthèse scénarios ADEME, NegaWatt, The Shift Project, Pouget Consultants et Carbone 4 (2022)) pour l’atteinte de l’objectif de neutralité carbone en 2050.

Le Hub propose donc la définition d’un budget carbone matériaux spécifique à la rénovation :

Un budget carbone propre aux matériaux au sein des secteurs de l’économie ;
Avec la définition de deux allocations distinctes neuf/rénovation de ce budget pour le secteur du bâtiment.

Le respect de ce budget sera conditionné par deux points fondamentaux :

La capacité des parties prenantes à « compter le carbone en cycle de vie » de leurs opérations de rénovation ;
L’objectivation des opérations de rénovation au travers de critères à respecter pour rester dans la limite de ces budgets, par exemple des seuils quantifiés.

MESSAGE CLÉ N°3 : Deux combats distincts : décarboner l’énergie, et préserver les ressources matérielles

On différencie généralement les types de rénovation selon le nombre et la nature des lots impactés : rénovation « légère » à « lourde ». Une interprétation différente est nécessaire dans notre cas.

Si l’on souhaite attribuer un budget carbone lié aux matériaux pour la rénovation énergétique, il paraît plus pertinent de segmenter le budget matériaux de la rénovation en deux : celui lié à la performance énergétique et celui lié à la qualité d’usage.

types renovation batiments
© Hub des Prescripteurs Bas Carbone

Investissement énergétique

  • Cet investissement concerne les rénovations de l’enveloppe du bâti, et/ou des équipements influençant la performance énergétique.
  • Il existe un point d’équilibre entre l’impact carbone de ces matériaux, et la réduction de l’impact carbone de l’énergie en exploitation.
  • Ce point d’équilibre permet de respecter l’objectif d’amélioration de l’existant.

Budget qualité d’usage

  • Ce budget concerne le remplacement des matériaux obsolètes (techniquement, architecturalement, esthétiquement, ou simplement par habitude) qui n’influencent pas la performance énergétique.
  • L’objectif est de réduire l’impact carbone de la matière (comme en RE2020 pour le neuf).
  • Il ne permet pas d’améliorer la performance carbone en exploitation.

Temps de retour carbone (TRC)

Un indicateur permettant de juger de la pertinence carbone de la rénovation énergétique est le Temps de retour carbone (TRC) :

TRC =

Budget carbone des matériaux mobilisés par la rénovation

Diminution du budget carbone annuel en exploitation

MESSAGE CLÉ N°4 : Sortir des énergies fossiles le plus rapidement possible

En rénovation, l’objectif principal est généralement d’améliorer le confort et/ou de réduire les consommations énergétiques, alors que le changement des systèmes énergétiques peut parfois passer en second rang. Pourtant, sous l’angle du carbone, le levier numéro un de décarbonation d’un bâtiment est la sortie des énergies fossiles, avec des gains carbone possibles très importants, jusqu’à 800 kgCO2e/m² (division par 10) dans le cas de l’une des études de cas du Hub.

Sortir des énergies fossiles…

Si on se fixe un objectif de temps de retour carbone, une rénovation lourde impliquera nécessairement la question de la sortie des énergies fossiles pour être pertinente.

…le plus rapidement possible

Plus une rénovation est tardive, plus on cumule des émissions d’exploitation qui auraient pu être évitées en rénovant plus tôt.

Peu importe le type ou l’objet de la rénovation, les travaux doivent traiter le confort, les consommations et la décarbonation. Ces trois piliers doivent être pris en compte dans l’opération, idéalement au moment des travaux, éventuellement dans un plan à moyen terme.

MESSAGE CLÉ N°5 : La conservation de l’existant constitue un enjeu fondamental et nécessite un changement de paradigme

Contrairement à un projet de construction neuve, qui est conçu pour répondre à un programme, un projet de rénovation est mené de sorte à ce que le programme soit ajusté au bâtiment existant. Il est en effet nécessaire de composer avec de nombreux paramètres caractérisant l’existant (surfaces, orientation, usages, état de l’existant, etc).

La rénovation nécessite un travail spécifique et une transformation collective des méthodes afin d’être pertinente et efficace. D’une contrainte, l’existant doit devenir un trésor de ressources disponibles, autrement dit une banque de matériaux locaux. Le poids carbone de la matière neuve dépend presque exclusivement de ce que l’on peut conserver, et du poids carbone de la qualité d’usage.

La conservation d’un maximum de matériaux constitue le premier et le plus grand levier pour décarboner les matériaux de rénovation. Une fois l’existant conservé au maximum, le réemploi doit être l’action numéro deux. 

Un prérequis pour conserver l’existant est la réalisation d’un diagnostic ressource / réemploi, qui consiste en une version plus poussée du diagnostic PEMD réglementaire. Il doit permettre de montrer le potentiel de conservation, c’est-à-dire la part de matériaux conservables.

Outre la réalisation des différents diagnostics, la capacité de réemploi lors d’un projet de rénovation dépend aussi de trois facteurs :

Assurabilité du matériel réemployé
Fiscalité applicable
Priorisation du réemploi par la Maîtrise d’Ouvrage le plus tôt possible dans le projet

MESSAGE CLÉ N°6 : Optimiser le poids carbone des matériaux

Contrairement au neuf soumis à la RE2020, où le poids carbone de la matière est divisé en trois parts égales (gros oeuvre, second oeuvre et lots techniques), les projets étudiés en rénovation ont une répartition différente. En effet, les lots techniques représentent 60 % du poids carbone de la matière en rénovation, d’après les premières études de cas menées par le Hub.

Le lot CVC constitue le premier poste du poids carbone total des matériaux : il représente entre 25 % et 40 % du total.

poids carbone materiaux
© Hub des Prescripteurs Bas Carbone

L’optimisation de ces lots participe grandement à la réduction du poids carbone des Matériaux (jusqu’à -50% d’après les études de cas du Hub) mais aussi celui du contributeur Energie (jusqu’à -90%). Il est cependant nécessaire pour cela de passer par une ACV détaillée pour connaitre le détail et identifier les optimisations pertinentes.

Sur ce sujet, le Hub a diffusé fin 2022 un Brief sur les lots techniques donnant des indications, appuyées par des études de cas concrètes, sur les lots techniques forfaitaires sous-estimés et sur les lots techniques pour lesquels une approche détaillée est favorable à l’ACV.

Le levier principal étant la frugalité et le réemploi (si possible) pour les lots techniques, le second levier est la mise en œuvre d’équipements moins carbonés via le calcul ACV détaillé des lots visés.

contrairement à ce que l’on peut imaginer, le lot gros œuvre est rarement nul en rénovation et peut représenter une part non négligeable (jusqu’à 15%) du poids carbone total des matériaux, à cause de reprises en sous œuvre ou structurelles souvent nécessaires.

REMARQUE : contrairement à ce que l’on peut imaginer, le lot gros œuvre est rarement nul en rénovation et peut représenter une part non négligeable (jusqu’à 15%) du poids carbone total des matériaux, à cause de reprises en sous œuvre ou structurelles souvent nécessaires.

MESSAGE CLÉ N°7 : La réhabilitation, c’est une approche et des contraintes spécifiques, à intégrer dès la conception

En conclusion de ces messages, il est clair que la méthodologie de conception bas carbone d’une réhabilitation est très différente d’un projet neuf, car tous les bâtiments existants ne sont pas égaux face à la décarbonation.

Tout d’abord, il y a la particularité du patrimoine. Du fait de son architecture spécifique, et propre à un usage en particulier, le patrimoine nécessite : un travail plus conséquent qu’une rénovation thermique « classique » d’un logement ; et des obligations qui pourraient être différenciées. Par exemple, la programmation future d’un bâtiment patrimonial, qui entraîne souvent un changement d’usage, doit absolument être pensée pour les bâtiments, et non en fonction d’une hypothèse hors sol.

Par ailleurs, tous les bâtiments existants, en plus du trésor de ressources qu’ils représentent (voir message n°5), nécessitent un travail plus important et approfondi qu’un projet neuf. La réhabilitation pose des contraintes spécifiques à anticiper au maximum.

Quelques Exemples
La hauteur sous plafond, parfois trop importante peut contraindre l’optimisation de la compacité.
Elle peut aussi parfois être trop faible et rendre impossible le passage de gaines techniques.
Le renforcement structurel, si nécessaire, peut alourdir rapidement le bilan carbone et nécessiter une optimisation spécifique.
Le programme, notamment du confort d’été, peut s’avérer très énergivore.
Le poids carbone de la matière Qualité d’usage peut facilement atteindre des ordres de grandeurs comparables au neuf.

REMARQUE : l’isolation représente toujours un bon investissement carbone d’après les retours d’expérience de l’ensemble des membres du Hub. En effet, la réduction des besoins de chauffage participe fortement à la réduction de l’impact carbone de l’énergie en exploitation, entre 40 % et 90 %. L’emploi d’isolants biosourcés rend cet investissement carbone d’autant plus intéressant.

Nous recommandons l’application du raisonnement suivant pour la décarbonation de tout projet de rénovation

decarboner rénovation methode
© Hub des Prescripteurs Bas Carbone
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Article co-écrit avec Sam TOGNET, Chef de projets AMO

Directeur de l’agence de TERAO Lyon
Expert en Conception Bas Carbone

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